01 septembre 2007

Paul BROCA

Le fondateur de la neurophysiologie…


Il naît le 28 juin 1824. à Sainte-Foy-la-Grande, dans le département de la Gironde. Sa mère était la fille d’un pasteur protestant. Son père, ancien chirurgien de la Grande Armée napoléonienne, était médecin de campagne. Après une scolarité au collège protestant de sa ville natale, il obtient les baccalauréats ès lettres et ès sciences. Admissible à l'Ecole Polytechnique, il change d’avis et décide de devenir médecin afin de reprendre la clientèle de son père. A l’âge de 17 ans, il prend donc la diligence pour Paris. Les immenses capacités de travail (il dort moins de cinq heures par nuit) de cet élève surdoué vont alors lui permettre de gravir les échelons au pas de charge. Ainsi, il est reçu au concours de l’Externat en 1843 et à celui de l'Internat en 1844. Puis, il est préparateur en anatomie en 1846, prosecteur en 1848 et soutient sa thèse en avril 1849. Joseph François Malgaigne dit de lui qu’il est « la plus brillante étoile de la jeune chirurgie ». Il n'a pas 29 ans lorsqu'il est nommé Chirurgien des Hôpitaux, puis Professeur Agrégé en 1853.


Ce garçon brillant va être l’un des grands continuateurs de la méthode anatomo-clinique, fondée notamment par Xavier Bichat et Théophile René Laënnec. Ainsi, il se dote rapidement d’un microscope et écrit dans sa thèse que « toute observation de cancer non soumise à l'observation du microscope doit être considérée comme non avenue ». A une époque où Alfred Velpeau proclame « qu’un chirurgien habile, expérimenté, attentif peut toujours se passer du microscope », il montre brillamment que les cellules cancéreuses peuvent envahir les veines, expliquant ainsi la dissémination métastatique. Cette découverte exposée dans un « pavé » de 600 pages lui vaut le prix Portal de l’Académie de Médecine en 1850. Par ailleurs, il démontre que la maladie de Duchenne de Boulogne n'a pas une origine neurologique, comme le crut Duchenne lui-même pendant longtemps, mais que c’est une maladie musculaire. Il s’intéresse aussi aux « anévrysmes » dans un monumental traité de 900 pages paru en 1856. On pourrait aussi parler de ses travaux sur la pathologie ostéo-articulaire, le rachitisme, la chirurgie oculaire, les ulcères variqueux, l'hypnose comme technique d'anesthésie ou encore de la première « trépanation dirigée » réalisée par ses soins, en 1871, pour un abcès intracrânien qu'il avait préalablement localisé d'après ses théories. Seul faux pas regrettable dans le parcours de ce remarquable chirurgien, il ne sera pas convaincu par les théories de Louis Pasteur sur les « microbes ». Cependant, il faut bien dire que ce dernier se heurtera à bon nombre des chirurgiens de cette époque, obnubilés qu’ils étaient par des considérations religieuses et politiques, et Charles Richet dira en 1888 qu’ « il se trouve encore des hommes honorables et instruits qui ne croient pas aux découvertes de Pasteur ».


Son esprit curieux amène également Broca à s’intéresser à l'anthropologie, science nouvelle qu’il définit comme « l'étude du groupe humain, considéré dans son ensemble, dans ses détails et dans ses rapports avec le reste de la nature ». Ses travaux en la matière seront primordiaux. En anatomiste, il s’intéresse notamment à la « craniométrie ». Il invente ainsi une multitude d’instruments de mesure visant à exploiter au mieux l’impressionnante collection de crânes dont il dispose à son domicile de la rue des Saints-Pères. Il décrit le « grand lobe limbique » qui porte son nom et dont il perçoit les relations avec l’olfaction. Il communique également sur la question de la pluralité des espèces mais se heurte à l’embarras de la Société de Biologie. En effet, cette Société se pique « d’accueillir les idées nouvelles et audacieuses » mais, pour l’époque, ce sujet sur les commencements de l’humanité est trop sensible. Afin de pouvoir s’exprimer librement, Broca fonde donc en 1859 la première Société d'Anthropologie. Plus tard, en semant des bleuets dans son jardin de Bicêtre, il démontre le bien fondé de ses théories sur l'hybridation en les faisant devenir « tout-à-fait blancs » mais il abandonne ses recherches au moment du siège de Paris en 1870. Fort heureusement, à la même époque, un moine de Moravie, Gregor Mendel, travaille sur ses petits pois et va bientôt poser les bases fondatrices de la génétique moderne…


Un jour d’avril 1861, Broca accueille dans son service de Bicêtre un certain Monsieur Leborgne qui a une gangrène du membre inférieur droit. Ce pauvre patient va le rendre célèbre. En effet, alors que son intelligence semblait intacte, il était affecté de longue date d’une hémiplégie droite et d’une perte de la parole. On le surnommait « monsieur TAN » car c’était la seule onomatopée qu’il était capable de prononcer. Quelques jours après son décès, Broca pratique donc une autopsie et observe un ramollissement circonscrit à la troisième circonvolution cérébrale frontale gauche. « L'aire de Broca » vient d’être découverte. « L'aphémie » ainsi étiquetée par Broca sera certes renommée « l’aphasie » par Armand Trousseau et cette découverte sera complétée par les travaux du neurologue allemand Carl Wernicke. Mais Broca vient d’apporter une contribution décisive à l'Histoire de la Médecine en démontrant le premier que l’expression de la parole est dépendante d'une zone précise du cerveau. La neurophysiologie est née. Mathias Duval dira que, « nouveau Christophe Colomb, il a abordé un continent nouveau pour la science ». Pour l’anecdote, la salle Saint-Prosper où était hospitalisé « monsieur TAN » existe toujours et son cerveau est exposé en parfait état de conservation dans les prodigieuses collections du Musée Dupuytren de Paris…


A la ville, cet homme bon vivant aime réunir ses proches autour d’une table garnie de bons vins et de victuailles provenant bien sûr de sa Dordogne natale. En 1857, il épouse Augustine Lugol, fille du médecin qui a donné son nom à la solution. Ils auront trois enfants dont deux garçons seront Professeurs de la Faculté de Médecine de Paris, et un arrière-petit-fils, le Professeur Philippe Monod-Broca, contribuera à entretenir sa mémoire dans un ouvrage passionnant. Ce fervent républicain « quarant’huitard » est enfin élu sénateur inamovible en 1880 en disant que « servir la science, c’est aussi servir son pays ».


Cet homme éclectique meurt presque subitement dans la nuit du 8 au 9 juillet 1880, en pleine gloire, à l’âge de 56 ans, laissant une œuvre encyclopédique à la dimension humaine et scientifique exceptionnelle. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse. Il aura sa statue à Sainte-Foy-la-Grande et une autre devant la Faculté de Médecine de Paris, non loin de celle de Danton, mais leur bronze sera fondu dans les canons nazis. En revanche, il fait toujours partie des 72 scientifiques dont le nom est gravé en lettres d'or au premier étage de la Tour Eiffel. Et un Hôpital du treizième arrondissement parisien porte son nom.