14 novembre 2006

Nicolas René DESGENETTES

Le précurseur de l’hygiène en médecine…


Nicolas René Dufriche Desgenettes naît à Alençon le 23 mai 1762. Son père Jean Dufriche, avocat au Parlement de Rouen, avait acheté une terre dite « Les Genettes » dont il avait ajouté le nom à son patronyme. Il étudie chez les Jésuites, puis, dès 1776, suit les cours du collège du Plessis à Paris. Il s'intéresse alors à l'étude des sciences naturelles. Après avoir été reçu maître ès arts, il s'oriente vers la médecine. Son initiation se fait notamment au contact de l’anatomiste Félix Vicq d'Azyr qui est alors le secrétaire perpétuel de la Société Royale de Médecine et qui sera le premier médecin de Marie Antoinette. Il fréquente également le laboratoire du chimiste Jean Chaptal ainsi que le service du chirurgien Alexis Boyer à l’hôpital Saint Louis. Il soutient sa thèse sur « La physiologie des vaisseaux lymphatiques » en juillet 1789.


Après quelques mois passés dans le laboratoire de Chaptal qu’il a retrouvé à Montpellier, il retourne à Paris en octobre 1791. Quelques mois après l’arrestation de la famille royale à Varennes, l’agitation révolutionnaire est à son comble. Le jeune Desgenettes se réfugie donc à Rouen. Puis, il s'engage dans l'Armée en 1793. En raison de sa connaissance de la langue italienne, il est affecté à l'Armée de la Méditerranée. On le retrouve ainsi à Fréjus, Grasse, Antibes, Sospel et Nice. Il fait alors la connaissance de Bonaparte qui est un jeune capitaine d'artillerie. Ensuite affecté à la division commandée par le général Masséna, il doit faire face à une épidémie de typhus. De retour à Paris, il est nommé médecin ordinaire à l'Hôpital d'instruction militaire du Val de Grâce qui vient d’ouvrir ses portes en 1795. Un an plus tard, il devient Professeur de physiologie et de physique médicale. Il côtoie alors Dominique Larrey et leur destin va souvent se croiser. Il est ensuite nommé Médecin-chef de l’Armée d’Orient. A ce titre, il se rend à Toulon et s’embarque pour l’expédition d’Egypte. Sur place, les difficultés se multiplient malgré les mesures d'hygiène et de prophylaxie rigoureuses qu’il prend immédiatement. Il est ainsi confronté à de nombreux cas de dysenterie, de variole, de paludisme, de fièvre jaune, ainsi qu’à une épidémie de peste de grande ampleur. Sa légende peut alors commencer. En effet, afin de remonter le moral des troupes, il nie l'existence de la maladie et interdit que son nom soit prononcé. Il emploie le terme de « fièvre bubonneuse » ou de « maladie des glandes ». Un jour, il boit ce qui reste de la potion d’un pestiféré afin de prouver que la salive n’est pas contagieuse (ça n’est qu’en 1894 que Yersin découvrira le vecteur transmis par la puce du rat). Pire, une autre fois, il s’inocule le pus du bubon d’un malade devant les soldats. Pour l’anecdote, Dominique Larrey restera persuadé que Desgenettes avait usé d’un subterfuge mais le futur Maréchal Berthier confirmera les faits. Quoiqu’il en soit, l’autorité morale de Desgenettes devient considérable et, le 28 avril 1799, se déroule la scène qui va immortaliser son nom. En effet, Bonaparte, ayant encore échoué devant Saint-Jean-d'Acre, décide de lever le siège de la forteresse et demande au personnel du Service de Santé d'évacuer les blessés. En revanche, dans la crainte de tortures par les Turcs, il suggère d'abréger la vie des pestiférés intransportables par de fortes doses d'opium. Outré, Desgenettes refuse et ose répondre sans trembler : « Mon devoir est de conserver ces malheureux ». Devant la détermination de son Médecin-chef, Bonaparte s'incline et les malades mourants sont donc transportés jusqu’en Egypte. Et les qualités médicales, le courage et l’abnégation de Desgenettes redonnent confiance aux soldats. Bonaparte, devenu Premier Consul, lui rend hommage en 1801 en le nommant Médecin-chef du Val de Grâce, Professeur d'hygiène à l'école de Médecine, et Officier de la Légion d'Honneur. Puis, au lendemain de la proclamation de l'Empire, en 1804, Desgenettes devient inspecteur général du Service de Santé des Armées, en même temps que Dominique Larrey et Pierre-François Percy. En 1807, il est nommé Médecin-chef de la Grande Armée, et à ce titre, participera aux principales campagnes napoléoniennes. Il est notamment présent aux batailles d'Eylau, de Friedland et de Wagram. De fait, malgré la liberté de ses propos et son indépendance d'esprit, il est comblé de faveurs par Napoléon 1er qui le fait baron de l'Empire en 1810. Desgenettes est également présent dans la Grande Armée lors de la désastreuse campagne de Russie en 1812. Durant la retraite, il est fait prisonnier à Vilna mais, en signe de reconnaissance pour les soins qu'il a prodigués aux soldats russes, il est relâché sur ordre du Tsar Alexandre et raccompagné par sa Garde de Cosaques jusqu'aux avant-postes français. En 1813, il est bloqué dans la citadelle de Torgau après la bataille de Leipzig. Il ne rentre donc en France qu'après la chute de l'Empire et l’exil de Napoléon pour l'île d'Elbe.


Sous la Restauration monarchique de Louis XVIII, il perd ses fonctions militaires mais conserve ses fonctions de Médecin du Val de Grâce et de Professeur d'hygiène à la Faculté. Puis, pendant les Cent-Jours, il se rallie de nouveau à l'Empereur et le suit jusqu’à Waterloo en juin 1815. Sous la seconde Restauration, ses mérites sont tels que Louis XVIII lui conserve son service au Val de Grâce et sa Chaire à la Faculté. Dès lors, Desgenettes se consacre à l’enseignement avec François Broussais comme adjoint. Il est fait commandeur de la Légion d'Honneur et membre de l'Académie Royale de Médecine en 1820. Mais, à la suite des manifestations d'étudiants à l'occasion des obsèques du Professeur Hallé lors desquelles il prononce un éloge funèbre où il exalte l'esprit de tolérance, il est révoqué en 1822 en même temps que Jussieu, Vauquelin, Dubois, et quelques autres. Après l’abdication de Charles X en 1830, la monarchie de Juillet se souvient de cette révocation, et il est réintégré et élu membre de l'Académie des Sciences en 1832. A titre honorifique, il est enfin nommé Médecin-chef de l'Hôpital des Invalides. Il consacre dès lors son temps à la rédaction de ses mémoires qu'il ne pourra terminer.


Il meurt à Paris, le 3 février 1837, à l’âge de 74 ans, des suites d’une apoplexie cérébrale. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse. Il fait partie des grands noms de la médecine militaire de l'épopée napoléonienne. Il a donc laissé son nom à l’hôpital d’instruction des armées de Lyon et il a sa statue à l’entrée de l’Académie de Médecine à Paris. En revanche, il sera oublié par la commission chargée de dresser la liste des noms devant figurer sur les tablettes de l'Arc de Triomphe de l'Etoile. Mais, grâce à l’intervention de sa fille, qui avait hérité de son tempérament, on le rajoutera en novembre 1841 aux côtés de Dominique Larrey et de Pierre-François Percy.

3 Comments:

Blogger Unknown said...

Bonjour,

Pouvez-vous préciser quelles sont vos sources, notamment concernant l'hérédité de René-Nicolas Dufriche ? En effet, j'ai comme information qu'il est le fils de Nicolas Dufriche, juge civil et criminel du Mesle-sur-Sarthe, Echevin d'Alençon, et non de Jean Dufriche, avocat...
De plus, ce n'est pas Jean Dufriche qui aurait acheté la métairie des Genettes, mais Charles Dufriche en 1708, notaire, et son arrière-grand-père...

Merci d'avance pour votre réponse

18:49

 
Blogger Vincent de PARADES et Pierre JOLY said...

Je vous remercie pour votre question.
Les sources sont multiples et à priori concordantes :
- http://www.medarus.org/Medecins/MedecinsTextes/desgenettes.html
- http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9-Nicolas_Dufriche_Desgenettes
- http://books.google.fr/books?id=BCYAAAAAQAAJ&pg=RA5-PA818&lpg=RA5-PA818&dq=avocat+AND+rouen+AND+Dufriche+AND+desgenettes&source=web&ots=SnvKJqMYG6&sig=CZUQ_zS_zWL0iopZVeXGdq5vowU&hl=fr
(page 818)
mais l’erreur a peut-être été répétée…
Bien cordialement.
Vincent de Parades

22:12

 
Blogger Unknown said...

Bonjour,

Les archives de l'Orne sont en ligne depuis très peu de temps. L'acte de baptême de René-Nicolas est visible (le 24 mai 1762, Paroisse Notre-Dame à Alençon). Il est bien le fils de Nicolas Dufriche (et de Françoise Duval Bichon) et non de Jean Dufriche.

Cordialement,
David GUIARD

22:24

 

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