01 novembre 2006

Gustave ROUSSY

Le père de la cancérologie…


Il naît en Suisse le 24 novembre 1874. Sa famille protestante, qui avait fui les Cévennes lors de la Révocation de l’Edit de Nantes, est puissante et aisée. Il commence ses études de médecine à Genève, puis s'inscrit à Paris. En 1901, il est nommé à l’Internat des Hôpitaux de Paris. Un de ses premiers maîtres est le Professeur Jules Déjerine, neuro-psychiatre suisse, qui occupe alors l'ancien service de Jean Martin Charcot à la Salpêtrière. Du reste, il consacre sa thèse au « syndrome thalamique de Déjerine-Roussy » qu’ils ont décrit en 1906. En 1907, il acquiert la nationalité française « revenant ainsi au pays de ses ancêtres ».

Il s’intéresse alors à l'anatomie pathologie. Il prend donc des fonctions de préparateur, puis de chef de travaux auprès de la Chaire de Physio-Pathologie qu'occupe alors le Professeur Nicolas François-Franck au Collège de France. Il se familiarise ainsi avec les contraintes techniques de cette discipline. Les travaux qu'il publie sur l'hypophyse, l'acromégalie, le myxoedème, les parathyroïdes témoignent de son orientation anatomo-clinique. Il écrit également un traité consacré aux « Techniques anatomo-pathologiques du système nerveux » en collaboration avec Jean Lhermitte. Ils décrivent notamment le « syndrome de contusion postérieure de la moelle de Roussy-Lhermitte ». Cependant, Gustave Roussy n’oublie pas sa formation initiale de clinicien et brigue un poste de chef d’un service hospitalier. Il le trouve en 1913, juste avant la guerre. Il s’agit de l’hospice Paul Brousse situé à quelques kilomètres de Paris, sur les hauteurs de Villejuif. C’est un simple asile de nécessiteux et de vieillards mais cet homme visionnaire entre alors action…

En 1921, il crée une consultation entièrement dévouée au cancer, pathologie alors négligée car considérée comme une cause perdue. Il recrute un nombre croissant de patients. Toutefois, il veut aller plus loin. Il a ainsi l’idée de fonder un centre spécifique où médecins, chirurgiens, radiothérapeuthes et anatomo-pathologistes mais aussi secrétaires, infirmières et assistantes sociales collaboreraient dans la lutte contre le cancer. Il y consacre toute son énergie. Grâce à l’aide d’associations caritatives, il obtient du Conseil Général de la Seine non seulement la construction de bâtiments indépendants mais aussi la mise en place d'une direction administrative autonome. Il conçoit également la structure comme un foyer d'investigation et de recherche. Il crée donc un laboratoire de cancérologie expérimentale et s’entoure des chercheurs les plus compétents. En 1925, il est nommé Professeur Agrégé d'anatomie pathologique. En 1933, il publie avec Roger Leroux et Charles Oberling le « Précis d'anatomie pathologique » qui est un des rares traités d'anatomie pathologique en langue française et qui connaît un grand succès. La même année, il est élu doyen de la Faculté de Médecine de Paris et membre de l’Académie de Médecine dont il sera secrétaire général. En 1934, le centre multidisciplinaire qu’il a mis en place devient « l’Institut national du Cancer » et est inauguré en grande pompe par le président Albert Lebrun. En 1937, il est nommé recteur de l’Académie de Paris, devenant ainsi le premier médecin à occuper cette fonction. En 1939, il entre à l'Académie des Sciences.

Durant la deuxième guerre mondiale, il reste à Paris mais prend ouvertement position contre l’occupation allemande. Il est donc démis de ses fonctions de recteur par le gouvernement de Vichy et ne les récupèrera qu’en 1944 à la Libération. Sa fermeté et la dignité de son attitude lui valent alors les plus grands honneurs. En 1946, à l’âge de 72 ans, il laisse son poste de directeur de l'Institut national du Cancer à son collaborateur, René Huguenin. En revanche, il garde ses fonctions rectorales et se consacre à l'organisation des différents cycles de l'enseignement supérieur.


Au faîte de sa gloire en 1947, après avoir été successivement neurologue, anatomo-pathologiste, cancérologue, chef de service, directeur de centre, doyen, recteur, académicien, ce pionnier infatigable est (pour son malheur…) nommé secrétaire d’état et appelé à siéger au Conseil des ministres. Quelques mois plus tard, le drame éclate : une instruction judiciaire est ouverte contre lui sur la demande du ministère des Finances au motif d'une sombre affaire de fraude fiscale. Ce scandale fait l’objet d’une campagne de presse diffamatrice et retentissante, animée par la jalousie de ses ennemis et par de sourdes rivalités politiques. Il est contraint à la démission de toutes ses fonctions et tente de s’empoisonner. Grâce aux soins de son entourage, il reprend des forces et se bat pour se laver des accusations portées contre lui : « à la France, pays de mes ancêtres où je suis revenu, j'ai donné tout ce que j'avais de force ». Sa bonne foi est enfin reconnue et un non-lieu est prononcé en mai 1948. Malheureusement, cette décision tardive ne lui apporte qu’un maigre réconfort. La plaie ouverte par cette affaire sordide ne s’est pas refermée…

Humilié et brisé, il se suicide le 30 septembre 1948 à l’âge de 73 ans. Sa mort tragique provoque une grande émotion. Moins de deux ans plus tard, il sera officiellement réhabilité par un décret du 1er avril 1950 et l'Institut national du Cancer deviendra l'Institut Gustave-Roussy. En 1980, l’IGR quittera l’enceinte de l’hôpital Paul Brousse pour occuper le sommet de la colline des Hautes-Bruyères, point culminant du Val-de-Marne qui domine les vallées de la Bièvre et de la Seine. Et il deviendra probablement le plus grand centre européen de soins, de recherche et d’enseignement sur le cancer.