28 octobre 2006

Ambroise PARÉ

Le barbier fondateur de la Chirurgie française…


Il naît à Bourg-Hersent, en Mayenne, vers 1510, en pleine Renaissance. D’origine modeste, il est le fils d’un coffretier qui confie son éducation au chapelain de Laval. Devenu adolescent, il fait son apprentissage de la chirurgie qui est alors exercée par des barbiers-perruquiers.

Puis, il arrive à Paris où il peigne, rase, tond mais aussi se familiarise avec la saignée et les pansements divers. Il fait ainsi ses premières armes de chirurgien à l’Hôtel-Dieu où les pauvres malades sont laissés aux seuls soins des barbiers. En ce temps-là en effet, les médecins imbus de leur savoir méprisent ces artisans manuels et souvent ignares que sont les chirurgiens-barbiers. Du reste, Ambroise Paré ne parle ni le latin, ni le grec, et ne sera donc jamais Docteur en Médecine. Peu lui importe, il s’instruit seul et s’enivre notamment des écrits du médecin arabo-musulman Abulcassis (X-XIème siècle) ainsi que de ceux du « chirurgien des Papes » Guy de Chauliac (XIVème siècle). En outre, il est pétri d’humanité et se distingue par sa sagesse, son courage, sa générosité, son dévouement et son humilité. Il se caractérise aussi par une technique précise, une incroyable dextérité, un esprit curieux, beaucoup d’intuition et une grande inventivité. En particulier, il arpente sans relâche de nombreux champs de bataille en Europe (la France est alors en conflit avec l’Empereur Charles Quint) et est ainsi confronté aux premières blessures de guerre par armes à feu. Il démontre alors qu’il n’est pas nécessaire de les traiter par… applications d’huile bouillante. De même, au cours des amputations, il contribue à l’abandon de la… cautérisation des plaies hémorragiques au fer rouge et vulgarise le recours aux ligatures artérielles. Il met au point de multiples techniques opératoires et perfectionne divers instruments chirurgicaux qui lui permettent, entre autres, de réaliser l’exérèse de cristallins ou l’extraction de calculs vésicaux. Il fait fabriquer d’ingénieux appareillages orthopédiques à type de bras ou de jambes articulés, ou des prothèses en cuir bouilli pour les oreilles et les nez arrachés. Profitant de l’invention récente de l’imprimerie, cet inlassable praticien publie également de nombreux ouvrages rédigés en français (et non en latin au grand dam des théoriciens ombrageux de la Faculté…). Il divulgue ainsi sa pratique, singulière pour l’époque mais reflétant sa parfaite connaissance de la traumatologie de guerre et synthétisant tout le savoir chirurgical de la Renaissance.


Ses qualités humaines et professionnelles le font rapidement apprécier par de grands seigneurs. Il extrait ainsi avec succès la balle reçue par le Comte de Brissac à Perpignan en 1542, il guérit la terrible blessure à la face du Duc de Guise (qui en sort « Balafré » mais vivant) au siège de Boulogne de 1545, il rejoint ce dernier dans la ville de Metz assiégée par Charles Quint en 1552, il soigne le Roi de Navarre au siège de Rouen en 1562. Bénéficiant de ses hautes relations et de son irréfutable réputation, il est finalement admis en 1554 dans la puissante Confrérie parisienne des Chirurgiens de Saint-Côme-et-Saint-Damien. De fait, l’écusson de son enseigne comporte désormais les trois bottes à onguent du clerc au lieu des trois plats du simple barbier. Il sert enfin les derniers Valois, Henri II et ses trois fils François II, Charles IX, Henri III. Proche de la religion réformée, il bénéficie d’ailleurs de la protection royale et demeure en sécurité au Louvre durant les massacres de la Saint-Barthélémy du mois d’août 1572.

Collection Zeurg

Ce modeste barbier autodidacte, devenu « Premier Chirurgien » de quatre Rois de France, meurt à Paris, le 20 décembre 1590, sous le règne de Henri IV. Il entre alors dans l’Histoire. En effet, par son œuvre prodigieuse, ce réformateur infatigable et déterminé a libéré la chirurgie de l’époque de son carcan médical (« ce n'est rien de feuilleter les livres et de caqueter en chaire si la main ne besogne ») et légué un héritage sans précédent pour les siècles à venir.

Dominique Jean LARREY

Le précurseur de la chirurgie d'urgence…


Il naît à Beaudéan, près de Bagnères-de-Bigorre, le 8 juillet 1766. Issu d'une modeste famille pyrénéenne, il connaît la vie rude d’un petit campagnard. Après le décès de son père en 1770, il est confié au curé du village, puis à son oncle, chirurgien à Toulouse. Il se lance alors dans la médecine et soutient sa thèse en 1786.

Il commence en 1787 comme chirurgien de la marine royale sur la frégate « la Vigilante » en mer d'Irlande. Ayant le mal de mer, il retourne à Paris et reprend ses études, notamment auprès du Docteur Pierre Joseph Desault à l’Hôtel-Dieu. Quand débute la Révolution. il est affecté comme chirurgien à l'armée du Rhin, première étape d'une carrière qui le conduira sur tous les champs de bataille d'Europe, de l'Espagne à la Russie, et même dans les déserts d'Égypte et de Syrie.


Il est consterné par la mauvaise organisation du service de Santé des Armées et en commence la restructuration. En outre, il crée ses « ambulances volantes » sous la forme de voitures à cheval légères et suspendues, percées de deux fenêtres sur les côtés, et ouvrant, à l’avant et à l’arrière, par une porte à deux battants. Elles ont pour but de transporter les blessés immédiatement après les premiers soins donnés sur la zone des combats afin de les opérer dans les heures suivantes. Chirurgien-chef de l'armée d'Orient, en 1798, il participe avec Desgenettes à l'expédition d'Egypte. S'adaptant aux conditions locales, il installe ses ambulances volantes à dos de chameau. Rapidement remarqué et apprécié de Bonaparte pour son désintéressement et son dévouement, il devient son ami et le suivra dans toutes ses campagnes. Vivant pour les soldats, il est insensible au danger des balles et des boulets, à la fatigue ou à la faim tant que sa tâche n'est pas terminée. Il est capable d'amputer un membre en moins d'une minute à une époque où… l'anesthésie n'existe pas. Son dévouement et son inlassable activité lui valent le surnom de « Providence des soldats ». De surcroît, il soigne les blessés sans distinction de nationalité, ce qui lui vaut également l'estime des officiers ennemis. A Waterloo, Wellington, l'ayant aperçu sur le champ de bataille, dira en levant son bicorne : « je salue l'honneur et la loyauté qui passent ». Il est nommé Chirurgien-chef de la Garde Consulaire, puis inspecteur général du Service de Santé des Armées, puis Chirurgien-chef de la Garde Impériale. Il reçoit la Croix de Commandeur de la Légion d’Honneur sur le champ de bataille d’Eylau en 1807. Il est fait baron de l'Empire à Wagram en 1809. Il demande à Napoléon de le suivre sur l’île d’Elbe, ce que refuse l’Empereur. Il est blessé et fait prisonnier à Waterloo en 1815 mais, sur le point d'être fusillé, il est sauvé par un officier prussien dont il a jadis soigné le fils. Inquiété sous la seconde Restauration, il conserve cependant sa fonction de Chirurgien-chef de l'Hôpital de la Garde et son titre de baron. Puis, par ordonnance de Louis XVII, il est nommé à l'Académie de Médecine lors de sa création en 1820, et à l'Académie des Sciences en 1829. Louis-Philippe lui rend son siège au Conseil de la Santé en 1830. Il enseigne au Val de Grâce de 1826 à 1836. Il est nommé Chirurgien-chef de l'Hôpital des Invalides en 1831. Mis à la retraite en 1836, il se consacre à ses « Mémoires et campagnes ». Par une nuit glaciale de décembre 1840, ayant revêtu son uniforme de Wagram et appuyé sur le bras de son fils, il ne manque pas d’assister au retour des cendres de Napoléon.


Ce chirurgien de légende, « l’homme aux six blessures, cinquante-cinq batailles, quatre cents combats », s’éteint à Lyon, le 25 juillet 1842, à l’âge de 75 ans. Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise mais, selon son désir de reposer « au milieu de ses vieux soldats », son corps sera transféré aux Invalides en 1992. Il a laissé son nom à un hôpital militaire à Versailles qui a fermé ses portes en 1995. Son nom est inscrit sur l’Arc de Triomphe. Il a une statue au Val de Grâce, à l’Académie de Médecine ainsi qu’à Tarbes en l’honneur de l’enfant du pays. A Sainte-Hélène, Napoléon a dit de lui : « c’est l'homme le plus vertueux que j'ai rencontré ».

Xavier BICHAT

Le père de l’Anatomo-pathologie...


Il naît à Thoirette dans le Jura, le 14 novembre 1771, sous le règne de Louis XV. Il fait ses études au collège de Nantua, puis chez les Jésuites à Lyon. C’est dans cette ville qu’il commence, sur les traces de son père, ses études de médecine. Il y rencontre en 1791 son premier maître, le Docteur Marc-Antoine Petit, qui lui enseigne les rudiments de la chirurgie. Il se rend ensuite à Paris où il croise le chemin du Docteur Pierre Joseph Desault, l’illustre Chirurgien en chef du Grand Hospice d’Humanité de Paris (ex Hôtel-Dieu au nom trop théologique en cette période révolutionnaire…), dont il devient l’élève, le collaborateur et l’ami. Du reste, à la mort de ce dernier en 1795, il publie ses « Oeuvres chirurgicales » qui sont un hommage à sa mémoire.


Il lui succède à l'hôpital où il travaille sans relâche, comme s’il avait pressenti sa fin prématurée, menant selon l'expression de Léon Binet « une véritable course contre le temps ». Il ouvre également un cours privé d'anatomie avec dissections et démonstrations physiologiques. Avec une intuition remarquable et sans tenir compte d’une tradition poussiéreuse, il démontre, à travers l'autopsie et l'expérimentation, la notion entièrement nouvelle de la répartition des tissus de l'organisme en fonction de leur structure anatomo-fonctionnelle et de leur rôle physiologique. Il est de fait considéré comme le père fondateur de l'histologie. Il n’utilisera pourtant jamais un microscope. Cet infatigable travailleur lègue enfin à la postérité quelques ouvrages fondamentaux dont son célèbre « Traité des membranes », ses « Recherches physiologiques sur la vie et la mort » et son « Anatomie générale appliquée à la physiologie et à la médecine ». Ces chefs-d'œuvre, visionnaires par leurs idées avant-gardistes et leurs perspectives infinies, ont largement contribué à forger la légende de Xavier Bichat dont la doctrine des propriétés vitales est résumée dans son fameux aphorisme : « la vie est la somme totale des fonctions qui résistent à la mort ».


Devenu célèbre, il meurt à Paris le 22 juillet 1802, à l’âge de 30 ans, probablement emporté par une méningite tuberculeuse ou des suites d’une piqûre anatomique. La mort de ce météore de la médecine qui a tracé un sillon fécond en quelques années d’un travail titanesque suscite un deuil général. Jean Nicolas Corvisart lui rend hommage dans une lettre au Premier Consul Napoléon Bonaparte : « Personne en si peu de temps n'a fait tant de choses et si bien ». Xavier Bichat repose aujourd'hui au cimetière du Père-Lachaise, son effigie figure sur le fronton du Panthéon et il est le seul à avoir sa statue dans la cour d'honneur de l’ancienne Faculté de Médecine de Paris. Enfin, Gustave Flaubert dira que « la grande école médicale française est sortie du tablier de Bichat »…